"Printemps arabe"
(...) In Iraq, the director of the al-Furat hospital in
C’est la chronique de Harper’sWeekly de la semaine du 15 mars. La dernière phrase illustre le climat de mort qui règne en Irak : « Nous atendons la mort comme la lune attend le lever du soleil » dit un soldat irakien. Ceci aurait pu très bien être dit par n’importe quel citoyen irakien.
Et pourtant cette même semaine, dans les médias français, Libé et le monde, il était question que de « Printemps arabe ». Sur Libération c’était même en une le samedi 14 mars et dans le Monde c’était le sujet d’un éditorial. Editorial très instructif sur la « connaissance » profonde qu’ont les journalistes du monde arabe et surtout sur leur alignement quasi-instinctif sur la « nouvelle histoire » (pour reprendre Naomi Klein) que la machine de propagande US veut voir raconter dans les médias. On ne parle plus d’Irak, ni de la guerre, ni des mensonges, ni de la torture, surtout pas du pillage des ressources irakiennes, mais on décale tout vers des informations bien plus positives : le bourgeonnement d’un « printemps arabe » ( expression forgée à Washington ), en insistant bien sûr que ce printemps démocratique arabe n’est que le premier résultat de la politique de Bush en Irak et au Moyen Orient. Ce que l’éditorialiste du Monde n’hésite pas une seconde à faire.
Par quoi se manifeste ce "printemps arabe" qui semble émerveiller les analyste de salon des capitales occidentales ? Voici les éléments :
- Des élections libres et démocratiques en Irak. Je ne sais pas où on doit rire. Sur « élections », sur « libres » ou sur « démocratiques ». Je vous laisse choisir, ou alors pour être plus sérieux, lisez ça.
- Des élections libres et démocratiques en Palestine. Là aussi, on peut rire si des enfants ne mourraient pas tous les jours. Aussi bien en Irak qu’en Palestine, apparemment il y a des gens qui occupent de très hauts postes politiques, universitaires et dans le monde des médias qui croient que des élections libres et démocratiques peuvent avoir lieu dans des pays occupés par des forces étrangères ou en guerre. Mais on verra plus loin que cette croyance exige certaines conditions.
- Le président égyptien a décidé d’organiser des élections présidentielles pluralistes. Waou, quelle avancée. Avec des adversaires choisis par lui bien sûr. Et l’Arabie Saoudite organise pour la première fois des élections municipales. Je ne vois pas pourquoi Bush et Condi Rice qualifient l’Iran de régime à abhorrer. A lui seul, l'Iran fait mieux que l’Egypte et l’Arabie Saoudite réunies en matière d'avancées démocratiques. Les élections y sont pluralistes depuis des années ( même si elles sont aussi restreintes que celles que prévoit l’Egypte). En Iran, les femmes votent et sont élues depuis des années, alors qu’en Arabie Saoudite, les femmes n’ont même pas le droit de vote, et d’ici qu’elles deviennent éligibles Bush sera en retraite dans son ranch. Et puis si des élections pluralistes étaient synonymes de démocratie, en Algérie on l’aurait su. Ca fait plus de 10 ans qu’on a des élections pluralistes à tous les scrutions, locaux et nationaux.
- Le nouveau souffle démocratique qui secoue le Liban. C’est bizarre d’attribuer les manifestations libanaises à une action de Bush. La résolution 1559 demandant le retrait de la Syrie du Liban date de septembre 2004. Entre septembre 2004 et la date de l’assassinat de Hariri, aucune manifestation n’a eu lieu. C’est la mort de Hariri qui a tout déclenché, et Bush veut s’attribuer ce changement. Aurait-il quelque chose à voir avec l’assassinat de Hariri ?
Les manifestations au Liban sont qualifiées d’expression de la volonté du peuple, qui doit être respectée. Donc 50 000 personnes qui manifestent à Beyrouth, c’est la volonté du peuple et 1 million de personnes qui manifestent à Londres, Madrid ou New York contre la guerre, c’est du pipi de chat.
Bush veut que la Syrie quitte le Liban car selon lui on ne peut organiser des élections libres dans un pays « occupé » par un pays étranger (même si la Syrie ne peut en aucun cas être considérée comme une puissance occupante au sens strict du terme). Et bien sûr les médias reprennent ces déclarations sans sourcilier. Quand je vous disais que le fait de croire qu’on peut organiser des élections libres en pays occupé exige certaines conditions. Ca dépend de qui occupe qui. Si c'est les Etats-Unis ou Israèl qui sont les occupants, ça sera démocratique. Savez-vous qu’Israèl a attendu 25 ans avant d’appliquer la résolution lui demandant d’évacuer le Sud-Liban, dont elle occupe toujours une partie du territoire. Et elle n’a quitté le Sud Liban que parce que le Hezbollah l’a harcelé, et que le coût de cette ocucpation devenait exorbitant et pas du tout par respect des décisions de la communauté internationale.
Il faut rajouter que les nouveaux pays arabes ayant reçu le label « démocratie », à savoir l’Egypte et l’Arabie Saoudite exhortèrent avec force la Syrie de se conformer aux résolutions de l’Onu. Ils n’ont même pas eu le courage, ou l'intelligence de glisser, comme ça, l’air de rien, un semblant d’exhortation envers Israèl pour qu’il respecte les résolutions de l’Onu, qu’il bafoue depuis 38 ans. Ca aurait été juste histoire de sauver la face. L'Egypte ne peut pas vivre sans les 4 milliards de dollars que lui verse Washington tous les ans, alors son audace politique, même verbale, a des limites.
La même semaine où Le Monde et Libération se passionnaient pour le « printemps arabe », on célébrait le premier anniversaire des attentats de Madrid, dans le recueillement. La peine et la douleur étant toujours présentes. Des bombes qui explosent il y a un an à Madrid, ont des effets encore douloureux, c’est considéré comme une tragédie, mais des bombes qui explosent à Baghdad ou des enfants palestiniens qui tombent sous les balles des israéliens la semaine même, c’on appelle ça « printemps ». Finalement, on pourrait peut-être qualifier les attentats de Madrid de mars 2003, de printemps espagnol, puisqu’ils ont permis aux espagnols de se débarrasser de celui qui les avait mis en guerre, à savoir Aznar. J’ose à peine imaginer les réactions si un journaliste se risquait à écrire ça. Qui sait, peut-être que Florence Aubenas a entrevu ce printemps arabe qu'on nous vante, et qu'elle l'a trouvé si prometteur, qu'elle s'est fait la belle avec son guide. Baghdad et les mille et une nuits.
On voit très bien le genre de printemps que Bush et les médias aux ordres réservent aux peuples arabes. Que Dieu nous préservent de ces « démocrates ».
PS. Des fois je me demande si je me fais bien comprendre. J'espère que vous comprennez bien que si je suis contre Bush, cele ne veut pas dire que je suis contre la démocratie et la liberté, même si Bush n'a que ces mots à la bouche. ;-)
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