Thursday, February 17, 2005

Panurgisme médiatique : La voix de son maître

L'acharnement actuel de tous les médias confondus me fait penser aux zélateurs qui rivalisent d'efforts pour plaîre à leur maître ( ici les USA ). Les journaux nationaux, les régionaux, les radios, les télés chantent tous la chanson favorite de Bush et Con.. Rice : La Syrie derrière l'attentat contre Hariri. Ils avaient tous très bien appris la chanson :
(...) Un faisceau de présomptions n’est pas une preuve. La culpabilité de la Syrie dans l’assassinat, hier, de l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri n’a rien de prouvé mais si l’on se demande à qui profite le crime, la réponse est évidente. Il profite à la Syrie pour laquelle Rafic Hariri devenait un adversaire redoutable car il était en passe de prendre la tête d’une coalition décidée à obtenir le retrait des troupes syriennes du Liban...(...) Bernard Guetta ( France Inter )
Bernard Guetta fait mine de jouer la prudence ( présomptions n'est pas preuve ), mais uniquement pour juste parès désigner la Syrie comme coupable ( le crime profite à la Syrie ).
(...) Quatre chiffres auraient rendu cet attentat inéluctable: 1559. La résolution 1559 de l'ONU, votée en septembre dernier, à l'initiative de la France et des États Unis, et l'enjoignant à cesser ses ingérences chez son petit voisin. Cet attentat résonne comme une réponse terrible à Jacques Chirac et à George Bush : voilà ce que l'on fait de vos amis, on les envoie en enfer, l'espoir et le pays avec.(...) Isaelle Dath (RTL)
Ne croyez pas vous français que c'est seulement les américains sont visés maintenant, mais la France aussi. Une invitation à oublier les divergences franco-américaines sur l'Irak pour resouder le monde libre contre les barbares du Moyen-Orient. Isabelle Dath aurait dû rappeller qu'il y a des résolutions enjoignant Israèl d'évacuer les territoires palestiniens qui ont été votées en 1967, et que personne ne s'empresse de demander l'application. Ou rappeller que toutes les résolutions votées contre l'Irak depuis 1990 ont été appliquées. On saute ainsi de l'Irak à la Syrie, en oubliant toujours Israèl ?

Non seulement ils chantent, mais ils reprennent aussi en choeur les paroles de Bush, Cheney et tous les néocons : Les Usa rapellent leur ambassadeur en Syrie, voilà que les journalistes servent de caisse de résonnance aux déclarations US, en oubliant ( ou omettant ) de faire leur métier : Pourquoi les USA rapellent-ils leur ambassadeur en Syrie ? Pour faire montre la pression contre la Syrie, même si rien ne les accuse ( je parle de preuve matérielles ). Pour aller dans le sens de toute la politique de menace américaine contre la Syrie depuis plus de 4 ans ? Politique qui fait partie d'une stratégie élaborée bien avant le 11 septembre. "Les américains exigent un retrait immédiat des troupes syriennes du Liban" répètent les journalistes en coeur. Les envahisseurs, les agresseurs, les occupants de l'Irak (état indépendant et souverain et membre de l'ONU ) au mépris de toutes les lois internationales demandent à des troupes étrangères de quitter un pays. Qu'à cela ne tienne, les perroquets répètent la voix du maître. De plus, il faut savoir comment les syriens se sont retrouvés au Liban. Appellés en 1976 par le gouvernement libanais de l'époque, et la présence syrienne au Liban a été officialisée par les accords de pais de Taef en 1992. Ceci n'empêche pas les libanais de demander leur départ bien sûr.
Mais revenons à la question de Bernard Guetta : A qui profite le crime ? Il a dit à la Syrie. Tiens, tiens. Au vue du déchaînement mondial contre elle, je ne vois pas ce que la Syrie a tiré comme bénéfice de cet attentat. Peut-être que ça viendra plus tard. Une fois que des sanctions seront imposées par les Usa ou qu'elle sera attaquée. C'est peut-être ce genre de "profit" dont parle Bernard Guetta. Les américains n'ont eu besoin d'aucun motif valabe pour attaquer l'Irak et qui ont eu recours au plus gros mensonge de la diplomatie internationale, voilà que ces idiots de syriens vont leur servir sur un plateau en or l'excuse la plus imparable pour les attaquer. Peut-être que Bernard Guetta croit que tous les arabes sont des tarés congénitaux.
Par contre, cette situation est tout bénéfice pour Israèl, ennemi de la Syrie. Jugez-en par vous-même : en deux ans, deux des plus grands adversaires d'Israèl dans la région sont en grand danger ( l'un est carrément genoux à terre - l'Irak ). Il ne reste que le troisième : l'Iran, qui est dans le collimateur de Bush.
Le lendemain de l'attentat, sur France Culture le matin, il y avait deux invités, spécialistes du Moyen-orient : Mustapha Benchenane, professeur à Paris V, membre de la Fondation Méditarénnée d'Etudes Stratégiques, directeur ( ou ancien directeur) de séminaire au Collège interarmées de défense (CID) et Elias Sanbar, fondateur et directeur de la Revue d'Etudes Palestiniennes et qui a enseigné en France (Paris VII) et aux Etats-Unis ( Princeton ). Tous les deux ont déclaré que l'on pouvait pas dire qui était le commanditaire. Ca pouvait être aussi bien Israèl ou la Syrie. On peut toujours écouter Benchenane et Sanbar ( minute 40' )
Dans une dépèche de Reuters juste après l'attentat, reprise dans Yahoo Actualités, Rime Allaf, spécialiste du Proche-Orient à l'Institut royal des affaires internationales de Londres, à déclaré que (...) l'attentat est "l'oeuvre de services secrets, pas d'une petite organisation (...). (...) Ceux qui l'ont commis visent à plonger le Liban dans le chaos et à faire accuser la Syrie. Je ne peux pas croire que quelqu'un soit assez naïf en Syrie pour penser que cela pourrait l'aider (...).
D'après leurs références, c'est des gens qui savent de quoi ils parlent. C'est leur domaine de recherche. Ils ont le nez plongé dedans toute la journée depuis des années. On pourrait prendre en compte leurs avis. Mais non, même dans les flashs de France Culture qui ont suivi les interviews des deux chercheurs, leurs propos n'ont pas été repris. Il faut quand même remarquer qu'ils ont des noms pas très européens. Ca doit pas faire très sérieux des experts avec des noms pareil. Il vaut mieux pas les écouter.
Alors continuons de pointer tous vers la Syrie. Les médias sont en crise, et une surchauffe au Moyen-Orient, y'a rien de mieux pour alimenter les peurs et vendre quelques milliers d'exemplaires en plus. Oublions la mascarade de la couverture des attentats de Madrid, ou alors Outreau et l'affaire du RER.
Je ne parle pas des médias américains bien sûr. En fait, je suis quasi certain que si la position de la France ( je dirais même de Chirac ) n'avait pas été contre l'invasion de l'irak par les USA, tous les gros médias français auraient léché les bottes de Bush et les excarpins de Condi-riz.

L'article le plus complet écrit sur ce sujet est (en anglais). Merci Mohsen :-)