Wednesday, April 02, 2008

Vacances de Rêve : le Maroc sans les Marocains !

Et certains rêvent de l'Algérie sans les algériens !

Je me souviens d'une blague ou d'un sketch où il était question d'une française qui racontait ses vacances au Maroc. Elle disait en conclusion : "Le Maroc c'est bien, mais dommage il y a beaucoup d'arabes". Et bien, que notre française se rassure, ce dont elle a rêvé, le gouvernement marocain le fait. Une brillante lecture d'une campagne de publicité de l'Office National Marocain du Tourisme.
(...) On y voit une jeune femme blanche, allongée au milieu d’un décor oriental, lisant tandis qu’un bras sort de sous le tapis pour lui tendre un plateau garni d’une théière et d’un verre fourré de menthe, qu’un autre bras tend, depuis le dessous du lit, un plat où s’amoncèlent des pâtisseries orientales, qu’un autre sort d’un vase et lui tend des lunettes de soleil, et qu’un dernier, de l’autre côté, l’évente. On suppose tous ces bras arabes puisque glissés dans des manches de type oriental.
Vous m’avez bien comprise : une occidentale, évidemment « éclairée », lit tandis que des mains (sans corps, sans tête, sans cervelle) lui tendent à manger et à boire.
L’argument publicitaire est clair : venez au Maroc, vous n’y verrez pas de sales gueules d’arabes mais vous ne perdrez rien de ce qui vous plaît tant chez eux - leur thé à la menthe, leur pâtisserie et leur sens de l’hospitalité. C’est ça le gagnant-gagnant.
Après La France aux Français, un bonus pour les vacances : le Maroc sans les Marocains. (...)


Je suis algérien et l'Algérie ne connait pas le même "developpement touristique" (heureusement je dirais) que ses deux voisins : Tunisie et Maroc. Je me heurte toujours à ceux qui veulent faire de l'Algérie un pays touristique à l'image de ces deux pays, et qui n'ont en tête que le modèle de développement touristique tunisien ou marocain, même si des différences notables existent entre ces deux modèles. Parce qu'il y a des signatures importantes de la presse algérienne qui sont incapables d'envisager un modèle de développement touristique autre que celui justement présenté par cette campagne de l'ONMT. Abdou B. du Quotidien d'Oran, "journaliste et chroniqueur de grand talent", selon (pdf) Thierry Fabre de la revue La pensée de Midi, écrivait il y a quelques mois :
(...) ...égaler le Maroc ou la Tunisie privés par la nature de gaz et de pétrole. Mais les deux pays ont fait, très bien avec ce qu'ils ont. Depuis des décennies, ils ont formé des managers, construit, édité sur tous les supports pour rentabiliser leur nature, la faire connaître. Ils ont mis au pas l'idéologie et les idéologues conservateurs qui voient en l'Occident le «mécréant» aux moeurs dissolues, désireux de goûter à tous les bonheurs sur terre là où ils se trouvent. Les pays touristiques ont appris l'alphabet du tourisme : le visiteur étranger ramène de l'argent et il fait de sa vie ce qu'il veut sans troubler l'ordre public. On lui a donc construit ce qu'il souhaite pourvu qu'il paie [ Pour ça par exemple ? ]*, tout en valorisant l'accueil et la tolérance des pays où il passe des vacances. (...)
(...) «En définitive, chaque pays, avec ses institutions, son système politique, ses besoins économiques et son capital social et culturel propre, se trouve en situation de concurrence avec tous les autres pour réciter sa part de la manne touristique, que ce soit en termes de bénéfices ou de statut». Le constat est donc sans appel, il y a des différences de statut entre grandes et minuscules ambitions, sachant que la nature répartit de manière inégalitaire les atouts entre les territoires. Et à l'intérieur de ces derniers, il y a ou non une volonté politique d'ouvrir son marché avec tout ce que cela implique dans tous les domaines. L'énergie, les transports, les infrastructures culturelles, la disponibilité de l'eau, la qualité des services jour et nuit, les taxis, le rail, les lignes intérieures, le métro, le tram et tout ce qui rend la vie facile aux touristes. Sans qu'ils soient agressés, au contact des nationaux, par des costumes et des pilosités à l'Afghane. (...)

Je ne peux m'empêcher de signaler au passage le petit coup de lèche à l'endroit de Chérif Rahmani, aparatchik du pouvoir qui a survécu à tous les régimes et systèmes en Algérie depuis 15 ans et qui est ainsi lavé de toute responsabilité quand au bilan catastrophique des pouvoirs succcessifs en Algérie que brosse Abdou B à longueurs de chroniques : (...) Ce qui satisfait à une cohérence et incite à penser que M. Chérif Rahmani est l'homme susceptible de faire décoller le tourisme. Son abattage au travail, sa culture et sa connaissance des enjeux mondiaux peuvent effectivement faire l'affaire. (...).
Comment en effet, un ministre qui a été incapable de réussir dans différents postes qu'il a occupé depuis 15 ans réussirait-il cette fois-çi ?


* Rajouté par moi.

A lire : Quand le tourisme disneylandise la planète... de Sylvie Brunel, qui a aussi publié un livre sur le sujet. Et aussi "Vers une dysneylandisation universelle."