Wednesday, December 20, 2006

La faute à Air Algérie

Le Quotidien d'Oran nous rapporte la déception d'Ahmed qui ne pourra pas passer les vacances et surtout l'Aid El Kebir avec sa famille à Constantine, en Algérie. Le Quotidien d'Oran connait aussi les coupables : les compagnies aériennes : Air Algérie en tête, Air France et Aigle-Azur. Ces compagnies sont coupables de n'avoir pas prévu de vols supplémentaires pour ces périodes de vacances et de fêtes réligieuses, et surtout elles sont coupables de "profiter" de cette occasion de forte affluence pour vendre les billets plus cher.
Pour atténuer un peu cette indignation réccurente (généralement ca revient dans la presse à chaque période de vacances - notamment estivale) concernant les dessertes aériennes entre l'Algérie et la France, il faut juste rappeller que l'objectif principal d'Air France et d'Aigle Azur, et même d'Air Algérie dans une moindre mesure (on peut supposer qu'elle a une mission de service public), n'est pas de faire en sorte qu'Ahmed ou Malika puissent passer leurs vacances ou les fêtes avec leur famille mais de faire des profits, donc de "profiter" de ce marché. Elles s'en balancent si Ahmed peut payer son billet ou pas ou s'il doit transiter par Alger ou Oran pour aller à Constantine. Ce qui les intéressent c'est que leurs avions ne volent pas vides. Donc, elles n'ont pas à prévoir des vols supplémentaires pour permettre aux algériens de passer l'Aid avec les leurs, sachant en plus que mettre en place des vols supplémentaires coûte cher. Autre point à prendre en compte : l'Aid tombe en plein vacances de noël et je pense que les compagnies aériennes gagneraient beaucoup plus d'argent en déservant des destinations prisées dans ceette période comme la Tunisie ou le Maroc pour ne parler que des pays du Maghreb. Le cas d'Air Algérie est un peu différent. On peut estimer que puisque c'est une entreprise publique, l'Etat doit justement lui demander d'assurer une mission de service public, donc assurer le transport aérien des algériens dans de bonnes conditions surtout durant les périodes de fêtes et de vacances. Mais, et ce "mais" est important, aussi bien le journaliste qu'Ahmed, ainsi que tous les algériens connaissent Air Algérie. D'ailleurs le journaliste le rappelle par les propos d'Ahmed, "avec Air Algérie à chaque fois c'est la même misère". Tous les algériens le savent. Pourquoi ne prennent-ils pas leurs dispositions à l'avance ? Tel qu'écrit dans l'article, il y a bien eu des billets promotionnels vendus. Il était où Ahmed ? Il ne faut pas attendre le dernier moment et espérer avoir un billet pour l'aéroport qu'on veut, au tarif qui nous convient et à la date souhaitée. Surtout si on sait comment ça se passe en période de rush. Les journalistes ne remettent jamais en cause le comportement des voyageurs. Vers la fin août dernier, il y a eu de gros problèmes dans les vols d'Alger vers la France. L'été, depuis des années c'est la période noire dans le transport aérien entre l'Algérie et la France (et l'Europe en général). Ceux qui veulent voyager dans de bonnes conditions prennent leur billets dès le mois d'avril. Et même ceux-là peuvent avoir des suprises - voir leurs places données à d'autres par exemple. Dans un article (que je ne retrouve malheureusement pas) sur la pagaille du mois d'août, le (ou la) journaliste présentait ainsi les choses ( je paraphrase) : Il se trouvait des algériens qui étaient venus de France passer des vacances. Ils avaient leurs billets aller-retour à des dates bien précises, mais qui avaient décidé de prolonger leur séjour d'une semaine. Ilst venaient donc se présenter sur liste d'attente à la date où ils voulaient repartir. Le (ou la) journaliste trouvait inadmissible que les compagnies aériennes ne puissent pas assurer des places à ces personnes là. Surtout rajoutait le (ou la) journaliste que parmi eux se trouvaient des familles avec enfants en bas âge ou même avec des bébés. Si on suit le raisonnement du journaliste : Moi, marié deux enfants avec un bébé de 10 mois (c'est une fiction - je ne suis pas marié), j'achète des billet Paris-Alger ( aller le 1 août, retour le 20 août). Je passe mes vacances avec toute ma famille tranquille. Ca se passe tellement bien que je décide de prolonger mon séjour et ne repartir que le 27 août. Bien sûr je vais dans n'importe quelle agence de voyage et il est impossible de changer la date retour, mais je décide quand même de ne repartir que le 27. Je compte sur la baraka des listes d'attente. Je me présente le 27 août de très bonne heure à l'aéroport histoire d'être le premier (avec ma femme et mes enfants) à être inscrit sur la liste d'attente. Malheur, j'apprends qu'il reste encore beaucoup d'inscrits sur les listes d'attente des trois jours précédents et il y a une cohue monstre à l'aéroport. C'est la faute à qui ? Air Algérie évidemment. Voilà comment la presse présente généralement la situation. Agir tel que je viens de le décrire, c'est faire preuve de la plus grande inconscience, car personne n'ignore comment ça se passe dans les aéroports algériens vers la fin des vacances d'été. Mais la faute en incombe toujours aux autres. Et la presse va toujours dans ce sens de la faute aux autres. Une presse qui applaudit à l'unanimité la reconversion de l'économie algérienne dans le libéralisme, qui appelle de tous ses voeux à la privatisation des entreprises publiques, qui ne cesse de se désoler du retard pris dans l'adhésion de l'Algérie à l'OMC, voudrait que des entreprises capitalistes (Air France, Aigle Azur) fassent du philantropisme pour permettre à Ahmed d'aller passer l'Aid à Constantine, où que l'Etat algérien pallie aux déficiences du marché. Une fois l'Algérie dans l'OMC, cette même presse ne va pas se gêner pour accuser l'Etat d'avoir lâché Air Algérie, car cette entreprise ne survivra pas aux règles de l'OMC dans un marché totalement libéralisé. Air Algérie est en déficit chronique depuis des dizaines d'années. Ca doit être l'entreprise publique la plus mal gérée d'Algérie. Et OMC = plus de subventions de l'Etat à Air Algérie.