Leur seule jouissance
(...) Banlieues. Attention, sujet sérieux. À regarder en face. Museler ses passions. Ne pas parler en procureur, ne pas parler en avocat : ni pour fournir un exutoire à sa violence, ni pour soigner sa mauvaise conscience. La révolte à laquelle ont été acculés certains quartiers a de quoi faire frémir : c’est un drame pour les intéressés, une menace pour d’autres. D’évidence, les quartiers sont un symptôme de la société qu’on a eu la sottise de nous proposer et que nous avons la couardise d’accepter. Les quartiers racontent le fric, la chiasse consommatrice, la nullité des élites, la trouille identitaire, la voyoucratie publicitaire et communicationnelle, la prostitution de la pensée, le naufrage d’une éducation maquée au Medef, l’incurable bassesse d’une ancienne civilisation qui n’en finit pas de crever. Les quartiers racontent même Bush, et qu’il ne faut pas lui serrer la main. Mais, eux, les jeunes pris dans cette tourmente, il faut les regarder en face. C’est peu dire que beaucoup d’entre eux se sont enfermés dans la révolte : elle est devenue leur seule jouissance, amère et terriblement contagieuse. Ils ont tout perdu ; si rien ne change, ils ne reconquerront rien : il suffit de monter dans un train de banlieue pour comprendre dans quelle logique de régression ils sont entrés. La solution est-elle de ne rien faire en hurlant à la responsabilité collective ? Attendre, pour intervenir, que le problème global soit réglé, c’est les condamner. En un sens, bien sûr, il n’y a pas de problème des banlieues ; le problème des banlieues, c’est le problème de notre société, et bien au-delà.(...)
Resurgences 28
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