Friday, August 27, 2004

La course au bonheur

J'ai lu récement un article paru dans la revue Deadalus : "How not to buy hapiness". L'auteur y expose une étude plutôt économique du bonheur ou du bien-être je dirais. L'influence du revenu, de la superficie de maison, de l'éloignement du lieu du travail sur le bonheur. Il s'attarde assez longuement sur les effets stressants du trajet domicile-boulot : les gens préfèrent habiter dans une maison moins grande et avoir 15 mins de trajet, que dans une maison grande et avoir une heure de trajet pour aller au boulot. Il apparaît aussi que c'est le revenu relatif qui est un critère de bien-être, pas le revenu absolu.
Ce que je trouve le plus intéressant dans cette article c'est la dernière partie :
"The more troubling question is why we have not used our ressources more wisely. If we could all live healthier, longer, and more satisfiying lives by simply changing our spending patterns, why haven't we done that ? "
As even the most ardent free-market economists have long recognized, the invisible hand cannot be expected to deliver the greatest good for all in cases in wich eachindividual's well-being depends on the action taken by others with whom he does not interact directly."

[
La question la plus troublante c'est pourquoi n'avons nous pas utlisé nos ressources d'une façon plus intelligente. Si nous pouvions avoir des vies plus saines, plus longues et plus satisfaisantes en changeant simplement nos habitudes de consommation, pourquoi ne l'avons nous pas fait ?
Vu que les plus ardents défenseurs du libre marché reconnaissent depuis longtemps que la main invisible ne peut pas procurer le plus grand bien pour tous dans le cas ou le bien-être de chaque individu dépends des actions des autres individus avec lesquels il n'a aucun contact ou relation
].

En clair, dans une société libérale (ou très libérale) mon bien-être dépend ou peut dépendre des habitudes et des décisions de consommations des autres. Les choix de vie importants que les autres font pour eux-mêmes peuvent causer mon malheur. L'auteur donne un exemple :


[ Une personne décide de rester chaque jour deux heures de plus au bureau afin de pouvoir gagner plus d'argent et être capable d'offrir à son fils la meilleure école. Cette personne là n'a aucune intention consciente de rendre encore plus difficile la tâche aux autres qui veulent aussi envoyer leur enfant dans les meilleurs écoles. Et pourtant, c'est la conséquence inévitable de son action. La meilleure réaction que les autres peuvent avoir c'est de travailler encore plus que cette personne ].

Cela malgré le fait que seulement 10% des enfants auront la chance d'aller dans les meilleures écoles, quelque que soit le nombre d'heures travaillées par chaque individu.

Et l'auteur trouve une métaphore géniale à cette situation : la course au bonheur (bien-être) est comme la course aux armements. Plus l'autre en fait, plus pour ne pas être en position de faiblesse ou d'inféririoté, les autres doivent faire plus. Des énergies et des ressources sont ainsi gaspillées sans pour autant que la majorité soit satisfaite. Car si chaque famille peut contrôler et décider comment dépenser ses ressources, elle ne peut pas contrôler les décisions des dépenses des autres familles.

Comme la réduction des dépenses dans la cource aux armements permet de libérer des ressources (argent) pour d'autres actions plus bénéfiques pour le pays, dépenser moins pour ce genre de course au bonheur, libère des ressources (argent, temps, disponibilité) pour des dépenses pour des actions plus bénéfiques pour la qualité de la vie.

Je trouve que cet article, surtout dans ses conclusions, est un vrai plaidoyer pour le service public et des systèmes par répartion et solidarité : éducation, santé, retraites etc.. La collectivité assure un accès équitable aux même services à tous les citoyens, et personne ne serait obligé de gaspiller des ressources dans une course aux armements, enfin au bonheur qu'il ne pourra jamais atteindre. Les modèles sociaux scandinaves apportent une réponse.


Ce genre d'analyse peut-être appliqué à la mondialisation telle qu'elle se fait : c'est à dire que libérale, et pas sociale. Si une entreprise US décide de délocaliser pour produire en Chine avec des coûts salariaux très bas et une législation sociale quasi-inexistante, que peut faire l'entreprise française si elle veut atteindre le bonheur, c'est à dire faire des profits ? Et bien délocaliser aussi.

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Réinventer la démocratie

Mon billet est
Karl a pointé vers des blogs ou le débat sur la démocratie et l'utilité du vote se poursuit.
Je rajoute ce texte d'Etienne de La Boetie, signalé dans un commentaire chez Phersu :
"Depuis le XVIe siècle, la question redoutable demeure : pourquoi l'être humain combat-il pour sa servitude comme si son bonheur en dépendait ? "